10 septembre 2007

Pourquoi le FN a pris une claque aux législatives ?

Il y a eu beaucoup d’analyses faites sur l’échec du FN aux élections présidentielles (moi-même je me suis adonné à cet exercice), en revanche, rares sont ceux en ayant fait de même concernant les élection législatives. Car, si le FN va très mal aujourd’hui, c’est surtout en raison de la raclée mémorable des élections législatives plutôt que du mauvais score de Jean-Marie Le Pen à l’élection présidentielle.

Si l’on a pu trouver des motifs conjoncturels (stratégie de campagne) à l’échec de Le Pen aux présidentielles, le résultat des législatives obéit plus quant à lui à des carences d’ordre structurel. Ce n’est un secret pour personnes, le FN est très mal implanté au niveau local, surtout depuis la fameuse scission mégrétiste de 1998. Nous le savions tous que tôt ou tard, le FN payerait cher son manque d’enracinement local, finalement l’addition (très salée) a été payée cette année avec les élections législatives.

Le débat doit avoir lieu concernant ces carences au niveau de l’implantation locale, il est même nécéssaire étant donné que la droite nationale est entrée dans une nouvelle ère vu que l’après Le Pen a bel et bien commencé. Jacques Bompard s’est déjà livré à une analyse fort détaillée sur les carences de l’enracinement local du FN, il a avait plus ou moins raison. Mais, compte tenu de ses derniers choix politiques (rapprochement avec le vicomte puis drague auprès de l’UMP), Bompard est aujourd’hui totalement décrédibilisé dans notre mouvance (surtout qu’il confondait analyse de fonds et concours de crachats contre Marine Le Pen).

Pour moi le FN s’est ramassé aux élections législatives pour plusieurs raisons d’ordre structurel et, le score du 22 avril 2007, n’a fait qu’empirer la situation.

Le tout présidentiel est un échec.

Depuis 1988, le FN mise absolument tout sur l’élection présidentielle. L’idée est qu’il est possible de prendre le pouvoir par le haut de la pyramide. Une telle stratégie est folle dans la mesure où celle-ci ne peut être valable que de deux façons : soit qu’il y ait un vaste mouvement révolutionnaire (un vrai, pas une masturbation intellectuelle de salon) ou alors de faire un coup d’Etat à la Pinochet. Depuis 1988 donc, le FN pense gagner d’abord les élections législatives puis ensuite ce qui va avec (législatives, régionales, municipales etc…). Pas la peine d’avoir fait l’ENA ou polytechnique pour savoir qu’une telle stratégie est perdue d’avance.

L’erreur de faire de la législative un 3ème tour des présidentielles.

Cette année comme en 2002, la stratégie du FN concernant les élections législatives était de faire de ces dernières une sorte de 3ème tour de l’élection présidentielle. Cette stratégie peut s’avérer payante à une seule et unique condition : être sûr à 100% de gagner les élections présidentielles. Même si une nouvelle présence au 2ème tour de Le Pen n’était pas impossible, nous savions tous parfaitement que le Président du FN n’avait quasiment aucune chance de devenir celui de la République. Malgré l’échec du 22 avril 2007, le FN a persisté dans son erreur puisque la plupart des tracts des candidats ressemblaient à un copié/collé de celui des présidentielles. Une minorité de candidats ont fait un tract local pour les législatives alors que la majorité s’est contentée d’un tract national « made in Paquebot », tout le monde connaît le résultat de cette stratégie…

Le refus de l’Union Patriotique.

L’Union Patriotique (malgré ce qui était indiqué sur les tracts) n’a pas eu lieu. Cela a eu pour conséquence une multiplication des candidatures MNR, ces candidatures ont été fatales à de nombreux candidats frontistes qui n’ont pas réussi à franchir le seuil des 5%. Même si je peux comprendre que les législatives sont très importantes sur le plan financier, il aurait été tout de même souhaitable de faire pour de vrai cette union des patriotes lors de ces élections législatives. Si l’Union Patriotique avait eu lieu, alors non seulement le FN faisait globalement un meilleur score mais en plus aucun des ses candidats n’auraient fait moins de 5% (sachant que pour le MNR le but était de faire 1% dans 60 circonscriptions, le FN aurait très bien pu donner des circonscriptions « pauvres en voix » afin d’être seul en lice dans les circonscriptions « riches en voix »).

Les parachutages à n’en plus finir.

Les parachutages touchent tous les partis politiques et le FN n’a pas échappé à la règle. Comment peut-on réellement s’enraciner en changeant de terre d’élection toutes les deux minutes ? Comment par exemple, peut-on être candidat dans une circonscription en Seine-Maritime tout en restant dans le même temps Conseiller régional de Seine-et-Marne ? Bien sûr le parachutage touche tous les « clans » au FN et celui-ci n’est pas nouveau (il existait déjà lors des élections législatives 1988). Cela étant, un parti comme le FN (qui ne dispose pas du même poids financier et médiatique que l’UMPS) ne peut pas se livrer à ce genre de pratique. Lorsque l’on n’a ni soutien des lobbys du système et ni poids financier important, on est obligé de s’appuyer sur un enracinement local pour pouvoir espérer peser quelque chose dans les urnes.

Le turn-over incessant dans certaines fédérations.

De nombreuses fédérations FN sont marquées par un incessant turn-over de responsables (départementaux ou de circonscriptions) ou alors de candidats. Prenons par exemple la fédération de Seine-Saint-Denis. Depuis les départs de Martial Bild et de Franck Timmermans (l’un pour s’implanter à Paris l’autre pour rejoindre Bruno Mégret), jamais un secrétaire départemental n’a réussi à durer sur le long terme au point même qu’aujourd’hui cette fédération n’a plus officiellement de secrétaire départemental (si je me fie au site internet du FN). Pourtant la Seine-Saint-Denis fut depuis 1983 l’un des meilleures départements pour le FN. On a longtemps entendu dire que le poids du FN baissait dans le « 9.3 » à cause des évolutions démographiques de la population (de moins en moins d’autochtones et de plus en plus d’allogènes), c’est en partie vrai mais cela n’explique pas tout. Dans le Pas-de-Calais par exemple, il y a aussi toujours de plus en plus d’allogènes (certes pas dans la même proportion) et pourtant le FN continue à y progresser !

Pour en revenir à la Seine-Saint-Denis, prenons comme exemple une circonscription où le FN était autrefois performant (et dans laquelle la scission de 1998 n’a pas trop fait de dégâts). Je vais prendre la 7ème, celle de Montreuil. En 1997, le frontiste Serge Balassi y faisait 17% (puis 27% au 2ème tour), en 2002 la frontiste Françoise Fromont moins de 10% puis cette année, le frontiste Michel Collier à peine 4% ! Le constat est également valable pour les autres circonscriptions de ce département. A noter que dans le même temps, c’est le MNR (bien qu’échouant à chaque fois aux législatives) pourtant à l’état groupusculaire dans cette circonscription, qui a réussi à s’implanter localement à Montreuil (avec Michel Bouigues et Patricia Vayssière).

Je vais arrêter là mais si je le voulais, je pourrais encore continuer la liste des divers arguments qui peuvent expliquer les grosses faiblesses du FN au niveau local. Il n’est pas question de jeter la pierre à qui que ce soit, mais simplement de dire tout haut ce que des milliers de militants, sympathisants ou mêmes électeurs pensent tout bas vis-à-vis du mouvement national. La faute de ce non-enracinement local est collective et ce serait bien trop facile de l’attribuer à telle ou telle personne au sein du FN. On peu certes reprocher à Jean-Marie Le Pen de s’être centré quasi-exclusivement sur les élections présidentielles depuis 1988, mais en revanche, jamais celui-ci ne s’est opposé à ce que le mouvement se développe au niveau local (en 2004, Jean-Marie Le Pen avait même regretté que les candidats du mouvement ne s’impliquent pas assez sur le plan local avec les élections cantonales). Si l’on parle beaucoup du renouveau du FN par le haut, il convient également de ne pas négliger le renouveau par le bas. Un secrétaire départemental du FN a une marge de manœuvre tout aussi importante que celle d’un membre du bureau exécutif, il a même une responsabilité plus grande (lorsqu’il possède un mandat de Conseiller municipal ou régional).

Pourquoi ce qui marche dans le Pas-de-Calais (je pourrais aussi citer quelques autres fédérations) ne marcherait-il pas également ailleurs ?